2. WYRD

HELGI OUVRIT LES YEUX. Son regard s’habitua progressivement à la lumière ambiante. Il s’arrêta sur les poutres qui la surplombaient. La lumière était tamisée, douce et chaleureuse. Quand Helgi tourna la tête, elle reconnut sans mal la cheminée, au-dessus de laquelle trônait un magnifique crâne de cerf couronné de sa ramure. Elle était chez elle. Elle sentit aussi l’odeur du ragoût qui bouillonnait doucement dans l’âtre. Un subtil parfum de thym, d’aneth et de menthe, mélangé à des épices venues d’ailleurs, embaumait l’espace. Enfin, elle distingua la silhouette à forte carrure affairée à remuer, à intervalle régulier le contenu de la petite marmite. A l’odeur, elle devina que Baleygr avait préparé son plat à l’églefin préféré. Cette attention la fit sourire.

Helgi avait débarqué dans la vie du borgne à une période pénible et troublée de sa vie. Il lui avait souvent raconté sa course jusque chez la Völva pour savoir pourquoi, comment et quoi faire, mais surtout, perdu comme il était, savoir si elle n’était pas plus à même à s’en occuper. La jeune fille sourit de plus belle, en repensant à la réponse de la Völva, selon les dires de Baleygr, comme quoi c’était elle qui l’avait déposée devant sa porte parce qu’elle savait qu’il serait la personne la mieux placée pour prendre soin d’elle, la protéger et l’élever ; mais surtout qu’apparemment, il avait tout autant besoin de l’enfant, que l’enfant aurait besoin de lui.

La jeune fille se leva de sa couche, s’enroulant une fourrure autour de ses épaules et s’avança vers la chaise installée face à celui qui, depuis 16 ans maintenant, l’avait toujours traitée comme sa propre fille. S’asseyant donc, elle prit le relais pour remuer le repas :

– Je me suis encore évanouie ?

Baleygr gardait les yeux rivés sur les flammes et le tourbillon créé par la cuillère dans la marmite :

– Oui.

Helgi était assez surprise de le voir aussi taciturne. Elle fronça les sourcils, tant cela ne lui ressemblait pas.

– Ton silence me fait peur, commenta-t-elle.

Le borgne ne broncha pas. Elle se cala contre le dossier de son siège, cessant d’agiter la cuillère dans le mélange de légumes frais, de poissons et d’épices. D’un calme olympien, trop étrange au goût de l’adolescente, il s’empara de l’ustensile.

Elle soupira :

– Ce fut plus grave cette fois, n’est-ce pas ? Tu es allée la voir, je suppose…

– Oui. Se contenta-t-il de répondre à nouveau.

– Et qu’est-ce que tu refuses de me dire exactement ? insista-t-elle.

Baleygr se pencha au-dessus de la marmite et goûta une cuillère du plat mijoté.

– C’est prêt.

Il se leva de son fauteuil, attrapa la marmite et alla la poser sur la table en chêne. Helgi sentit une tension nerveuse dans tout son corps. Elle serra les dents et fronça les sourcils. Elle comprit très vite le petit jeu du borgne, petit jeu qu’elle n’appréciait pas du tout. Elle se leva à son tour et se dirigea vers le buffet, et rapidement, elle prit les assiettes, puis devança son père adoptif en attrapant les couverts. Elle étala tout sur la table, puis, presque en courant, elle passa devant lui pour prendre la miche de pain, la planche et le couteau pour la couper, et apporta le tout sur la table. Sentant qu’il trouverait une autre occasion d’éviter la conversation et ses questions en servant le repas, elle attrapa le poignet de la main immense serrée autour de la cuillère :

–  Parle ! Dis-moi ce que la Vôlva t’a dit ! ordonna-t-elle, son regard déterminé plongé dans celui de son père adoptif.

Il dégagea son poignet. Helgi sentait l’agacement monter alors qu’il lui répondit calmement :

– Mange, d’abord, tant que c’est chaud.

Se libérant brutalement de toute sa frustration, Helgi s’écria :

– Non ! Raconte-moi tout, d’abord !

C’était la première fois qu’elle parlait ainsi sur ce ton à Baleygr. Le regard bleu de glace du borgne se fit perçant, incisif, le visage témoignant d’une forme de crispation soudaine. Helgi comprit, et se raidit, tentant de se faire toute petite sur sa chaise. Elle n’aurait pas dû employer ce ton avec lui. Le ton sec de son paternel le lui fit bien comprendre :

– On mange.

Dans le silence, il la servit. Helgi se rendit compte qu’il devait sûrement se préparer à lui expliquer et raconter ce que la Vôlva lui avait dit. En tout cas, elle jugea que par son attitude, la nouvelle était sans doute grave et fort peu facile à dire. Elle devra donc se faire violence, même si l’attente lui était difficile, tant cela engendrait beaucoup d’interrogations.

Le repas se fit dans un lourd silence. Dans la maisonnée, on n’entendait que le raclement des cuillères dans les assiettes et le son des morceaux de pains croquants sous la dent. Sans trop savoir comment, ni pourquoi, Helgi sentit un flux d’inquiétude et de tristesse l’envahir. Ces émotions commencèrent à installer chez elle une gêne, puis un sentiment d’inconfort. Elle réajusta sa position sur sa chaise. Ce qu’elle ne comprenait pas c’était que ces émotions n’étaient pas les siennes et que le flux était plus intense si elle fixait le visage de Baleygr. Elle se servit un verre d’eau, détournant ainsi son regard de la vue de son paternel, et essaya alors de chasser ces émotions qui lui étaient étrangères. D’autant plus que le flux de ces dernières se montra plus redoutable, et bientôt, elle se sentit nauséeuse. Elle en reposa la cuillère dans son assiette, laissant sa soupe à la moitié.

N’en pouvant plus et ne voulant pas à nouveau se retrouver inconsciente sans comprendre ce qui lui arrivait, Helgi se redressa d’un coup, agitée, désespérée, frappant la table des deux mains :

– Cela suffit ! Dis-moi ce que la Völva t’a dit ! Dis moi ce qu’il m’arrive !

Baleygr fut surpris, complètement pris de court par la réaction de sa fille, celle-ci manquant d’ailleurs de perdre l’équilibre si elle ne s’appuyait pas à la table.

– Helgi ! Calme toi !… Assieds-toi ! fit-il inquiet.

– Non ! Ici, encore, je ressens une inquiétude et une tristesse qui ne m’appartiennent pas ! Pourquoi ? Que m’arrive-t-il ?! Cela fait six ans maintenant ! Tu sais que cela devient de plus en plus fréquent !

Comme épuisée par l’effort fourni, elle retomba sur sa chaise, essoufflée comme si elle venait de parcourir plusieurs kilomètres. Le silence reprit sa place, plus lourd, plus triste. Baleygr lâcha un soupir résigné. Il se leva et tira sa chaise pour s’installer près de sa fille. Malgré sa voix grave, Helgi ressentit tout le calme et la tendresse quand il reprit la parole :

– Très bien. Je vais t’expliquer. Ce sera long et complexe, ne m’interromps pas.

Helgi acquiesça d’un signe de tête, prête à tout entendre.  

ASSIS DEVANT LA CHEMINEE, la lumière dansante des flammes projetée sur son visage renforçait la dureté des traits de son visage. Son oeil gauche vitreux, dont la paupière et l’orbite étaient fendu d’une cicatrice pâle, paraissait étrangement aussi vivant que son jumeau de droite, bleu comme la glace, au regard perçant. Imperturbable et inébranlable, telles étaient les premières impression que Baleygr renvoyait quand on croisait son regard. Sa carrure et sa taille imposait le respect. L’homme semblait avoir traversé les âges, connu les guerres et la dureté de la vie.

Baleygr avait terminé le dîner avec Helgi non sans agitation. Sa fille adoptive avait compris que derrière son silence encore une fois, il se faisait trop secret. Que pouvait-il bien faire après tout ? Il avait eu la confirmation qu’elle pouvait dorénavant lire aisément en lui, si ni lui, ni elle, ne faisait vraiment attention. Il se perdait encore une fois dans sa réflexion, mais il était clair qu’il allait devoir redoubler de vigilance. Certains de ses secrets devaient le rester.

Lorsqu’il avait trouvé Helgi sur le palier de sa porte, il y a maintenant une vingtaine d’années, il n’avait pas du tout deviné que cela avait pu être un coup de la Völva. Il ne saura jamais vraiment s’il devrait la maudire ou la remercier. Il attendait, en silence, regardant grandir sa fille adoptive. Selon la Völva, cette gamine était ce qui lui manquait dans sa vie, depuis bien trop longtemps. Sans elle, sa vie ici n’aurait jamais eu de sens. Avait-elle raison ? Le Wyrd avait-il vraiment joué un rôle ou non dans cette histoire ? Des questions. Beaucoup trop de questions. Très peu de réponses. Une chose était certaine. Helgi était sa fille. Adoptive, certes, mais l’attachement paternel qu’il avait pour elle était aussi fort que si elle partageait son sang. Mais voilà maintenant six longues années qu’il voyait Helgi perdre le contrôle d’elle-même, tomber malade, et se fragiliser de plus en plus.

Quels secrets allait-il encore pouvoir garder pour la protéger comme il le voudrait ? En tous les cas, ce soir, il était temps de lui révéler en partie la source de sa maladie. Helgi était à nouveau assise face à lui. Il lisait l’impatience dans son attitude, sur l’expression de ce visage enfantin, et dans les yeux bleus émeraudes rivés sur lui. Il était temps. Six ans qu’il n’avait pas vraiment cherché à comprendre. Ou plutôt, qu’il les avait plongés dans le déni le plus total, tous les deux.

Le silence était installé, lourd. Baleygr fixait les flammes et les braises ardentes dans l’âtre. Il allait devoir choisir les mots. Dire, raconter et expliquer, tout en laissant des zones d’ombres

– Il y a vingt trois ans, je suis arrivé ici en Halvard. J’y ai bâti une nouvelle vie, solitaire, loin des batailles. Quelques mois plus tard, je rencontrais la Völva. Elle me donnait de bons conseils. Et il y a maintenant vingt-deux ans, comme tu le sais, elle te fit entrer dans ma vie.

– Oui, je connais cette partie de l’histoire… précisa Helgi, profitant du silence de Baleygr.

Il hocha doucement la tête avant de reprendre :

– A cette période, et ce pendant dix ans, nous avons vécu dans la paix. Nous ne sommes pas dans la capitale, mais tu as toujours aimé m’accompagner à Asfrid, et plus au Nord voir les ports, les bateaux, courir dans la capitale lors du marché. Tu m’as aussi toujours accompagné dans les montagnes, à la frontière, voir le vol des corbeaux, en automne, et observer la migration des grands loups en hiver. D’ailleurs, on s’arrêtait très souvent pour regarder la cité de Lumière, Lysende, briller à l’horizon. A tes dix ans tu me disais qu’un jour tu partirais voir la ville m’en ramener les meilleurs souvenirs.

Il remarqua le doute dans les yeux de sa fille.

– Lysende ? s’interrogea-t-elle, les sourcils froncés. Mais… Elle n’existe pas… N’est-ce pas ?

– Elle a existé. Elle existe encore. Elle ne porte plus le même nom. Mais j’y viens.

Baleygr marqua un temps à nouveau.

– Il y a dix ans, la paix qui nous convenait si bien à tous fut perturbée… Lysende ne fut plus sous le règne d’un Jarl aimé de tous, assurant la prospérité économique, la stabilité et la paix dans son royaume en maintenant de très bons termes avec Asfrid et son ouverture sur la mer. Elle tomba sous le joug de la soeur de ce dernier, lorsque la maladie le prit. Trop tôt… Lysende se ferma alors sur elle-même. D’un point de vue extérieur, on sentait monter l’exploitation des ressources, la montée en puissance dans l’art de la guerre… On se préparait à tout.

Baleygr quitta son fauteuil, et se déplaça un peu, comme pour se détendre, avant d’énoncer la suite.

– Avant de poursuivre, il y a quelque chose que je dois te demander. Que sais-tu exactement de la magie et des Magis ?

Helgi lui sembla réfléchir un instant :

– Pas grand chose en vérité. Du peu des mythes que tu m’as fait lire, la magie viendrait de l’Équilibre et du Chaos, et les Magis seraient des humains capables de puiser dans ces énergies…

– C’est à peu près cela, si ce n’est que ce ne sont pas des mythes. La magie et les magis existent.

Et d’un geste de la main, il transforma une partie de la fumée qui se dégageait de la cheminée en deux corbeaux noirs, dont la taille ne pouvait que les distinguer de corbeaux habituels. L’un se posa sur l’épaule de Baleygr, l’autre sur le dossier du fauteuil.

– L’énergie de l’Équilibre et l’énergie du Chaos circulent dans toutes choses. Car toutes choses possèdent du bon comme du mauvais. Les deux énergies sont créatrices, et puissantes, mais chez les êtres humains, seulement une partie d’entre eux possède le talent de maîtriser l’une ou l’autre. Grossièrement, les mythes parlent de l’Équilibre comme l’énergie positive, et le Chaos comme la puissance la plus destructrice. En réalité, rien n’est aussi simple. Car le talent et la magie d’un être humain ne peut être jugé bon ou mauvais par sa source.

– Pourtant c’est évident, comment ne pas faire le mal par le Chaos ?

Baleygr fit descendre le corbeau de son épaule sur sa main, tout en l’approchant d’Helgi. L’animal se faisait impressionnant par sa taille. Helgi se raidit instinctivement s’adossant un peu plus dans son fauteuil.

– Ma magie prend sa source dans le Chaos. Mais observe ce corbeau. Attentivement.

Helgi garda son calme au maximum et analysa le comportement de l’oiseau, ses plumes, ses yeux, son bec, ses pattes. Du noir profond des pupilles, aux lueurs bleutées et émeraudes des plumes, rien ne saurait le différencier d’un corbeau dans les airs. Elle tendit lentement, la main pour le toucher. L’oiseau resta immobile, bougeant simplement légèrement la tête. Il ne l’agressa pas, et se laissa caresser.

– Il n’est pas réel, poursuivit Baleygr. Il n’est pas non plus similaire à un corbeau normal, malgré les apparences. Il me permet de voir ce qu’il voit par mon œil gauche, et d’entendre ce qu’il entend lui-même, pendant son envol. Tu peux le toucher, le caresser, t’en approcher, mais pas parce qu’il en a l’envie, mais parce que je le lui ordonne…

D’un geste de la main, il fit disparaître les deux corvidés.

– Ce qui permet de dire si une magie est bonne ou mauvaise, c’est selon ce que tu en fais, et selon le niveau de maîtrise du porteur. Se laisser envahir par sa source, notamment par celle du Chaos, peut provoquer non seulement du mal pour soi mais aussi pour les autres.

Helgi essaya de suivre :

– D’accord… Mais… Qu’est-ce que cela à voir avec Lysende ?

– La paix prit fin il y a dix ans, et peu avant tes seize ans, comme tu le sais, une guerre fit rage par-delà les montagnes.

– Je le sais, oui… Fit-elle sur un ton triste. Je me souviens de t’avoir vu partir, Hyndllah me rassurant comme elle le pouvait…

Le visage et le ton de Baleygr se firent plus graves :

– Ce qui provoqua la guerre, personne ne le sait. Et pour avoir vu le cataclysme, cela n’a rien eu de naturel. Et tout le monde se souvient qu’avant la guerre, malgré les tensions, un visage et une magie continuaient d’illuminer Lysende.

– La fille de l’ancien Jarl de Lysende ? devina Helgi. J’ai du mal à faire le lien.. mais…

– Brynhilde était ce que l’on appelle une Herkkä. En Halvard, pour nous tous, il n’y a qu’une Herkkä tous les demi-siècles, et cela a toujours été une femme guerrière, aussi lumineuse que le soleil et inspirante. On ne sait rien de sa magie, simplement que depuis qu’elle est disparue, un équilibre s’est rompu.

Il se rassit dans son fauteuil, marquant une pause à nouveau. Comment continuer, faire les liens, sans trop en dire à nouveau à sa fille… La Völva lui avait expliqué, posé les mots, mais les répéter s’avérait des plus compliqués. Cela devenait dur. Les souvenirs revenaient. La main d’Helgi sur son bras le troubla et le rassura à la fois.

– La guerre malgré tout fit rage par-delà les montagnes. Un ciel noir surplombait la région. L’atmosphère devint lourde, la magie du Chaos se heurtant à celle de l’Équilibre, les deux armées se jetant l’une sur l’autre, les armes s’entrechoquant, les corps morts tombant d’un côté comme de l’autre… Et peu à peu ce couvercle lourd et noir de nuages, devint une véritable tempête, alors qu’un effroyable rayon vert trancha le palais blanc en deux et perça le ciel, accompagné d’un hurlement effroyable, avant de disparaître dans une implosion telle que cela provoqua une tempête de poussière de magie noire mortelle, tuant tout être vivant sur son passage, brûlant les arbres, avalant les villages entiers. A ce moment précis, les deux armées de magis encore vivants en devint une seule, la terreur les envahissant tous… Face à nous, se dressa une femme gigantesque, les cheveux noirs, la peau blafarde, les yeux verdâtres presque vitreux, les lèvres d’un rouge écarlate, et à l’allure presque mysthique. D’un simple mouvement de doigt, elle leva une armée d’ombres mortelles, encapuchonnées pour nous faire barrage et nous sommer de quitter le champ de bataille. Des magis de notre armée tentèrent une charge. Celle qui s’était présentée à nous sous le nom de Gunnhild envoya les ombres contre eux, et de ses mains amenuisit l’oxygène, renforça le Chaos dans l’atmosphère, faisant sentir une pression telle que beaucoup de magis moururent sous la douleur. Le reste de l’armée finit par garder ses distances, la retraite fut déclarée, et alors que nous rendions les armes, nous vîmes sortir littéralement du sol, la cité de Forriviring. En lieu et place de celle de Lysende…

Le borgne s’arrêta, laissant un silence s’installer. Il n’avait jamais raconté quoi que ce soit de ce qu’il s’était passé durant cette guerre inexpliquée. Mais il était temps qu’Helgi en connaisse les faits. Car bien que tout ceci fit remonter des souvenirs désagréables, un détail important allait faire la lumière sur ce qui lui arrivait aujourd’hui.

– … C-C’est donc ainsi que Lysende a disparu… Moi qui croyais que cela avait toujours été Forvirring…

– Non. Tu n’as juste pas gardé le souvenir de la cité de Lysende…

– Mais, pourtant, tu l’as dit toi-même, je l’ai vu à 10 ans, déjà rien que de loin ! Comment ai-je pu oublier ?

– Tu n’es pas la seule à avoir oublié qu’avant, en lieu et place de Forvirring, il y avait Lysende. Seuls les rares magis ayant survécu et ayant gardé la mémoire du cataclysme s’en rappellent.

Il marqua une pause à nouvea avant reprendre son récit :

– Le lendemain de la guerre, nous avons subi un nouveau séisme… Nous avons appris que la jeune Herkkä de notre demi-siècle n’était plus. Personne ne sait ni quand, ni comment, et si elle est morte. Il n’y a simplement plus aucune trace d’elle. Et il y a un détail que je n’ai pas mentionné. Il semblerait que le don d’une Herkkä se déclare vers l’âge de ses 16 ans…

Baleygr poussa un lourd soupir. Satanée Völva… Maudite Magie… Mais pour elle, pour sa chère fille, il était évident – Hyndllah avait raison -, il était temps :

– Tu es la nouvelle Herkkä. Je ne sais pas en quoi consiste ton pouvoir dans le détail. Je ne peux pas non plus te dire sa source. Tout ce que je peux te dire, c’est que tes évanouissements, tes fièvres répétitives sont dûs à tes capacités magiques que tu n’as pas encore appris à maîtriser. Et tout cela est arrivé suite à la guerre et à la disparition de Brynhilde.

Elle avait écouté son père avec attention, sans trop l’interrompre, posant les questions quand elle sentait qu’elle avait besoin de précision. Elle l’écouta jusqu’au bout. Il lui restait encore un nombre incalculable de questions. Mais la plus importante de toute restait ce qu’il venait de lui annoncer. Elle était la nouvelle Herkkä ? Qu’est-ce que cela signifiait exactement ? S’il y en avait une seule par siècle, qu’était devenue celle de ce siècle-ci ? Pourquoi prendre sa place ? Mais surtout… Pourquoi elle ? Quant à ses soi-disant talents magiques, qu’en était-il exactement ? Elle aurait aimé pouvoir exprimer toutes ces questions, mais elle lisait sur le visage de Baleygr la fatigue, et le poids de tout ce récit. Il lui avait fait revivre sans aucun doute le plus terrible de ses souvenirs.

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