13. YLÖS

SA PEAU ÉTAIT SI PÂLE. Elle en devenait presque translucide par endroit, les veines apparaissant telle des rivières sous la brume. Ses lèvres légèrement violacées laissaient échapper un souffle beaucoup trop léger. Sous ses yeux, une teinte sombre et violacée s’était installée. A voir Rùnar ainsi, le corps presque sans vie, dans les bras d’Urd, Sigurd voulut la suivre, mais Helgi l’en empêcha, tout aussi désarçonnée de voir Rùnar dans un tel état. Sigurd hurlait le nom de Rùnar, se débattant dans les bras de Helgi. Skuld et Verdandi fermèrent la porte et la verrouillèrent devant eux, lorsque Helgi ne parvint plus à retenir Sigurd. Il frappa sur la porte, implorant qu’on le laisse entrer. Helgi le laissa se battre contre la porte irrémédiablement fermée. Il finit par se lasser et se laissa glisser contre.

Helgi s’installa à côté de Sigurd et l’attira contre elle pour lui apporter du réconfort. Mais elle comprit surtout une chose. Rùnar n’avait encore rien dit à Sigurd. Et c’était terriblement difficile pour elle que d’entendre le rouquin ne cesser de demander ce qu’avait Rùnar, si c’était grave, s’il était mort ou sur le point de mourir. Mais le plus dur pour elle était que, sous l’effet de ses propres émotions, si fortes, en ayant le jeune homme ainsi dans ses bras, elle ressentit celles de Sigurd, et commençait même à entendre le flux de ses pensées. Elle ne voulait pas le repousser cependant. Elle luttait contre elle-même pour ne pas faire davantage, pour ne pas laisser son pouvoir prendre le dessus. Son collier vibrait légèrement par intermittence, comme trace visible de cette lutte intérieure.

Ils restèrent à veiller près de la porte, tout le restant de la journée, puis toute la nuit. Le lendemain, ils ne se levèrent que lorsque la porte se déverouilla et s’ouvrit. Urd et Verdandi sortirent et les laissèrent retrouver Rùnar, Skuld veillant encore auprès de lui. Il avait retrouvé des couleurs, mais était extrêmement affaibli.

Helgi et Sigurd s’étaient approchés. La pâleur et les cernes étaient toujours là. Sa respiration se faisait plus aisée, mais la chaleur semblait vraiment avoir abandonnée son corps. Skuld finit par les laisser, fermant la porte derrière elle. Ils n’étaient plus que tous les trois. Helgi avait pris doucement la main de Rùnar. Elle eut un frisson qui lui serra le coeur, tant le toucher était glacé. Elle ne percevait presque pas de ressentis. Mais elle perçut des bribes de pensées, et comprit ce qu’il s’était passé. Elle mordilla sa lèvre inférieure. Elle laissa Sigurd prendre sa place et resta debout à côté d’eux. Elle croisa les bras, détournant le regard. Voir Rùnar dans cet état lui faisait mal.

Elle s’en voulait. Ne l’avait-elle pas encouragé à chercher des réponses ailleurs que dans les chants et poèmes des skàlds ? Elle s’en voulait, et lui en voulait de l’avoir écoutée sans se méfier.

– Espèce d’idiot… murmura-t-elle entre ses dents, la voix brisée, contre Rùnar.

Sigurd tourna la tête vers elle, comme si elle venait de dire la pire des insultes.

– Quoi ?

– Non, je…

– Tu sais quelque chose, c’est ça ?

Elle se mordit à nouveau la lèvre inférieure. Je ne peux pas faire ça… C’est à Rùnar de le faire… Sigurd l’attrapa vigoureusement par les épaules. Dans ses yeux dansa soudainement un feu d’une violence qu’elle n’avait jamais vue. Elle sentait la chaleur venir des mains qui la serraient, rougeoyantes. Sigurd lui faisait peur. Elle le sentait capable de tout pour qu’elle crache le morceau.

– Parle ! rugea-t-il.

– D’accord ! D’accord ! Je… Je vais t’expliquer.

Helgi posa sa main sur les poignets qui étaient prêts à l’étrangler, les invitant à la lâcher. La prise se desserra petit à petit, et elle put cette fois faire de l’ordre dans sa tête pour commencer ses explications.

– Son… Son Chaos est marqué.

– C’est-à-dire ?

– La magie de Rùnar repose sur le Chaos, et dans la magie tout est une question de stabilité. La moindre perturbation dans la source de la magie d’un magi… Et… Et il peut se perdre… Jusqu’à en mourir. Et…

La gorge d’Helgi se serra. Les mots. Elle voulait les dire. Expliquer. C’était juste si dur. Si difficile. La voix hachée, perturbée :

– … Quand… Quand j’ai vu les pensées de Rùnar la dernière fois, j’ai… J’ai vu Gunnhild insuffler son propre Chaos dans la magie de Rùnar la rendant instable… Et… Et à la Tour des Mages, les séquelles de votre fuite de Forvirring sont apparues… C’est… C’est pour ça qu’il devait voir Hyndllah… C’est parce qu’il…

Elle peinait à présent même à trouver de quoi respirer. Les mots restaient bloqués. Alors elle se força, les prononçant comme elle le pouvait.

– … Il est en train de se perdre, Sigurd… Son Chaos s’affaiblit dès qu’il l’utilise… Et… Et hier, il est allé lire le passé de son père… Et… Et ça ne s’est pas passé comme prévu… Il a dû user de son Chaos à nouveau…. Et…

Sa gorge s’était davantage serrée. Elle ne parvenait plus à dire quoi que ce soit. Et toute la zone de ses poumons, son diaphragme, ainsi que les muscles de ses côtes lui faisaient maintenant si mal. Ils n’avaient passé que neuf jours ensemble, rien que tous les trois, mais à force, elle avait appris à les apprécier tous les deux. Elle qui n’avait passé sa vie qu’avec Hyndllah et Baleygr, sans vraiment côtoyer des gens d’à peu près son âge, avait l’impression d’avoir trouvé chez Sigurd et Rùnar des amis, des frères d’armes. Alors voir Rùnar presque mort dans les bras de Urd l’avait profondément marquée, et voir à présent Sigurd se décomposer à mesure qu’elle parlait était une torture.

Sigurd avait parfaitement saisi ce que Rùnar avait fait la veille. Et même si pour le reste, c’était encore vague, il avait parfaitement compris que Rùnar était réellement mourant. Il ne savait plus vraiment ce qui était le plus dur à supporter. Le fait que Rùnar ne lui ait rien dit ? Le fait qu’il lui a fait un serment un jour auparavant pour finalement agir comme il a fait au risque d’en mourir ? Helgi avait raison. Rùnar avait été un idiot. Un sombre crétin. Sigurd finit par serrer la brunette dans ses bras, les deux partageant la même douleur, la même inquiétude, et la même tristesse.

HELGI QUITTA LA PIECE, laissant Sigurd seul avec Rùnar. Elle fermait la porte, quand elle remarqua Skuld. Si elle l’avait attendue depuis un moment, elle n’arrivait pas à le déterminer, Skuld se montrant impassible. Helgi n’avait pas besoin de demander pourquoi elle était là. Elles se faisaient face, et la jeune fille sentait son cœur battre doucement dans sa poitrine. Il y avait, chez Skuld quelque chose de familier et de rassurant. Helgi ne pouvait pas vraiment le décrire. C’était là, tout simplement. Le moment parut éternel pour Skuld, bien qu’en réalité, il ne se passa que quelques minutes. Et, mélangé à ce sentiment plaisant rien qu’en étant en présence de la plus jeune des trois Sœurs, Helgi ressentait une appréhension. Celle-ci grandit lorsque Skuld brisa enfin le silence :

– Il est temps. Suis-moi.

Au fond d’elle-même, Helgi savait de quoi Skuld parlait. Une seule question lui trottait dans la tête. Comment savait-elle pour le rituel ? Bien sûr, elle était une des trois Sœurs, donc cela paraissait évident qu’elles en aient connaissance. Malgré tout, pour Helgi, c’était surréaliste. Elle suivit Skuld à travers les couloirs, monta avec elle sans aucun doute au dernier étage de la Citadelle. La lourde double porte s’ouvrit face à Skuld, et Helgi lui emboîta le pas, découvrant un espace grandiose, complètement hors du temps et de l’espace. L’architecture lui rappelait celle de l’Atreum, sans les murs épais, sans les bibliothèques, sans les vitres de couleurs. Rien que l’ossature. Le lieu semblait pouvoir jouer avec les nuages, le sol reflétait les rayons du soleil par sa brillance.

A une bonne dizaine de mètres devant elles, Helgi aperçut Urd et Verdandi qui les attendaient, debout, derrière une table de rituel en marbre recouverte de fourrures. Elles tenaient toutes les deux un seiðstafr. Celui de Verdandi était en bois blanc surmonté d’un morceau de ramure, celui d’Urd était en bois noir. Le vent faisait tinter les os et les morceaux de bois sur lesquels étaient gravées des runes. Skuld récupéra le sien en bois clair, lorsqu’elle et Helgi arrivèrent à leur hauteur. Helgi attendit qu’elles prennent chacune leur place : Urd à la tête, Verdandi à côté, et Skuld au pied de la table du rituel, avant de s’allonger dessus.

L’angoisse et l’appréhension s’installèrent confortablement en elle. Elle sentait son cœur battre un peu plus fort.

– Tu es prête ? demanda doucement Verdandi.

Non, elle ne l’était pas vraiment. Mais avait-elle le choix ? Si elle ne passait pas l’ascension, elle risquait de vivre ce qu’a vécu Brynhilde. Et puis elle repensa à l’ascension de Lif. Alors, elle sentit l’arrivée d’un courage nouveau, bousculant son angoisse et son appréhension. Elle prit le temps de respirer et d’un signe de tête indiqua à Verdandi qu’elle était prête. Elle ne pouvait pas voir Urd, mais elle regarda un instant Skuld. Helgi fronça légèrement les sourcils, surprise de lire sur le visage de la benjamine des trois Sœurs afficher un air préoccupé.

Urd frappa le sol de son seiðstafr. Le son se propagea dans un écho surnaturel. Elle frappait en rythme et fut bientôt suivie par Verdandi et Skuld. Chacune leur tour, elles prononcèrent une parole ésotérique . Et soudainement, Verdandi brandit un couteau dont le manche en os était finement gravé, et la dernière chose que Helgi perçut dans cette réalité, fut Verdandi la frappant de ce couteau au bas de sa gorge, sans hésitation, les trois derniers mots du sortilège.

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Helgi ouvre les yeux. Elle sent le moelleux de la mousse sous son dos, la douceur de l’herbe sous ses doigts. L’odeur de l’humidité propre à la forêt titille ses narines. Au-dessus d’elle se dressent, majestueux, les pins, dont les fines branches s’amusent avec les rayons du soleil. Elle se redresse pour observer la clairière, écouter le vent faisant tressaillir les branches des pins, les craquements des arbres et les cris des oiseaux et des corbeaux. Elle est pieds nus mais n’a pas froid, bien qu’elle soit pieds nus, toujours dans sa tunique et son pantalon de lin bleu nuit. Pourtant, la forêt arbore ses nuances de vert intense, faisant ressortir le gris de la roche, et les tons bruns des arbres, propre à la fin de l’hiver et annonçant le début du printemps. La brume caressant par endroit les racines des arbres, la forêt se montre dans sa plus belle atmosphère mystique.

En faisant le tour de la clairière, elle aperçoit le cours d’une rivière et décide de le suivre. Dans son esprit, elle s’interroge. Elle a, pourtant, bien vu le couteau venir frapper sa gorge. Est-elle morte ? En vie ? Si elle était morte, elle appréciait d’avoir ce cadre autour d’elle. Il lui restait donc à trouver la halle où commencer sa nouvelle vie. Si elle était encore en vie… Comment avait-elle pu quitter si vite la Citadelle ? Elle laissait ses pensées couler telle la rivière à ses pieds. Elle s’arrête brutalement. Un renard assis à une vingtaine de mètres d’elle la regarde. Il la regarde vraiment ? Elle ? Elle se sent pourtant si fortement dévisagée par l’animal. Son pelage rouge feu contraste fortement avec la verdure de la mousse, des pignes de pins et de l’herbe. Ses yeux n’étaient pas verts cependant. Helgi en reconnaît la couleur puisqu’elle avait la même. Et rien que ce détail la trouble. Les battements de son cœur résonnent doucement dans ses oreilles. Un croassement de corbeau comble le silence, tandis qu’Helgi hésite. Doit-elle s’approcher ? Elle n’a pas d’arme sur elle, si le renard se montre agressif, il faudra y aller mains nues… Cela suffit à renforcer l’anxiété. Etrangement, celle-ci n’était pas négative. Il y avait là-dedans de quoi nourrir son adrénaline. Helgi tente de faire quelque pas vers l’animal juste pour analyser sa réaction. Celui-ci se redresse presque instantanément, comme sur ses gardes. Helgi s’arrête, pour tenter de s’approcher.

Finalement le renard décide de s’éloigner, en trottinant. Helgi soupira. Elle pensa d’abord avoir raté son coup. Et puis voyant que l’animal prenait son temps, elle fronça les sourcils et décida de le suivre. Ce renard était-il en train de sciemment la narguer ? En tout cas, il s’attendait bien à ce qu’elle le suive, car de temps en temps il s’arrêtait, jetant un regard derrière lui, comme pour s’assurer qu’elle était bien là. Combien de temps allait durer ce petit jeu ? Elle préfère ne pas répondre à cette question. Mais trouvant le temps long, elle accélère son allure, surprenant l’animal suffisamment pour qu’il se raidisse une seconde, se hérissant légèrement avant de faire un bond et commencer cette fois à galoper. Le vrai jeu pouvait commencer.

Elle le pourchasse à travers la forêt, courant le plus vite possible, réduisant petit à petit l’écart avec l’animal. Le renard lui paraît cependant infatigable, alors qu’elle commence doucement à sentir la soif s’installer. Non. Elle ne cèdera pas avant d’avoir l’animal entre ses bras. Alors elle continue de courir, courir, encore et encore. L’écart est alors suffisamment faible pour qu’elle puisse se jeter sur lui et l’attraper. Elle prend alors son élan, poussant sur ses jambes, une étincelle de vivacité dans ses yeux, et s’aplatit sur le renard. Celui-ci s’agite entre ses bras, jappe, et pousse des cris stridents. Helgi pense que c’est gagné, qu’elle a réussi. Mais le son de sabots sur la mousse se fait entendre, faisant trembler le sol et cabré au-dessus d’elle, un cerf blanc, cabré, se tient prêt à frapper de toute sa hauteur. Elle a juste le temps de lâcher le renard et faire une roulade de côté pour éviter le coup. Dépitée, elle voit alors le renard s’éloigner et le cerf la regarde dans une attitude presque seigneuriale. Il va lui falloir procéder autrement.

Elle décide de parcourir la forêt, d’en connaître davantage les lieux, de repérer les espaces favoris du renard et du cerf. Elle décide alors de passer la nuit dans l’un de ces endroits, afin d’habituer petit à petit le renard à sa présence. Mais la nuit ne vient pas. Helgi en fronce les sourcils, perdue, ne comprenant pas vraiment comment cela pouvait être tout simplement possible. Elle s’allonge malgré tout sur le sol, tapissé de mousse et ferme les yeux. Elle n’entendait à présent que les bruits de la forêt, sa respiration et son cœur battre tranquillement, comme si l’ensemble se réalisait dans une harmonie parfaite. L’angoisse, l’anxiété, l’envie à tout prix de réussir, l’affreux sentiment qui s’installait en cas d’échec, toutes ses émotions et tous ses ressentis négatifs petit à petit disparaissent. Elle se sent alors faire partie de la forêt, en être un des éléments, la forêt lui apportant son calme et son apaisement. Elle comprend alors. Ses doigts touchant la mousse doucement, elle a l’incroyable sensation de pouvoir ressentir et partager la force, la sérénité, le calme, et l’immense sentiment de vitalité de la forêt toute entière. Tout cela l’envahit, mais Helgi ne ressent ni l’envie ni le besoin de lutter contre elles. Elles les laissent s’installer, une par une, se mélanger à ce qu’elle ressent. Et si elle finit par sentir le museau humide du renard sur sa joue, cela ne vient pas la perturber. Cela lui paraît faire partie du tout. Elle se redresse et bien qu’elle ait ouvert les yeux, et se trouve maintenant assise face à l’animal, elle a la drôle d’impression de ne pas avoir rompu sa connexion avec la forêt et ses forces miraculeuses.

Helgi, doucement, tend la main vers le goupil. Leur regard rivé l’un sur l’autre, le temps semblait s’être arrêté. Finalement, le renard s’approche et vient frotter sa tête contre la main d’Helgi, après l’avoir soigneusement reniflée. Une nouvelle force et de nouvelles sensations s’installent alors en elle. Elle se sent renforcée, complète, comme si l’un et l’autre enfin s’était reconnu. Comme si enfin Helgi retrouvait une partie d’elle-même. Dans ses veines une chaleur s’installe petit à petit. Dans son corps une puissance nouvelle émerge. Et progressivement, Helgi sent sa respiration pouvoir se faire plus ample, plus grande. Comme si ses os, ses muscles, ses organes, et son esprit enfin finissaient leur croissance.

Et même si le renard petit à petit disparaissait telle une nuée de lucioles, il n’y avait pas de tristesse, pas de regret, pas de douleur ou de souffrance. Car pour Helgi, il n’était pas parti, il n’avait pas disparu. Il avait seulement toujours été là, sous ses yeux. Il avait toujours fait partie d’elle, simplement elle venait enfin de le rencontrer et de l’accepter. Elle remarque, une fois le renard disparu, les changements singuliers de son physique, et ses sens bien plus aiguisés. Elle se sent plus grande, plus forte. Sur ses bras, des lignes dorées flamboyantes s’étaient dessinées sur sa peau pâle. Ses ongles avaient étrangement l’allure de griffes. Elle sentait aussi que ses cheveux avaient pris de la longueur.

Ses observations cependant se terminent soudain, le brame déchirant du cerf retentissant dans la forêt. Elle s’élance alors à travers les arbres. Sa course ne la fatiguait plus comme avant. Elle avait l’impression de pouvoir courir encore et encore, plus vite. Le brame ébranle la forêt une deuxième fois, poussant Helgi à presser sa course. Elle traversa des rivières, des clairières. Apercevant le cerf au loin, elle ralentit sa course et s’avance avec prudence. Le cerf respire difficilement. Il n’est pas blessé, mais il est allongé au sol. Helgi s’approche plus près. Le cervidé a des yeux vert émeraudes. Où les a-t-elle déjà vu ? Ils lui semblent si familiers. Il gémit, non parce qu’il est blessé physiquement, mais pour autre chose. Doucement, elle tend sa main. Le cerf ne montre aucun signe de vouloir se défendre, et comme résigné, ou complètement abattu, se laisse caresser. En passant sa main, Helgi sent une profonde tristesse, une profonde sensation de solitude. Le renard parti, le cerf venait de perdre un ami.

Mais en le touchant, Helgi comprend autre chose. Elle comprend pour qui il était destiné. Elle n’est simplement jamais venue. Et maintenant que le Serpent et le Renard sont partis, il a le sentiment qu’elle ne viendra jamais. Helgi comprend alors les enjeux, que ce qu’elle doit réaliser, n’est pas simplement sur le plan de la réalité physique. Ce qu’elle doit réaliser devra aussi permettre de rétablir l’ordre sur le plan métaphysique. Détruire le Chaos, ce n’est pas seulement pour le monde des hommes, mais c’est aussi pour les éléments comme lui, le cerf, d’enfin remplir leur fonction et d’accomplir ce pour quoi ils ont toujours été destiné. Elle décida alors d’émettre un serment, une promesse immuable, envers l’animal et le monde. Elle ferme alors les yeux et prononce les mots dans sa tête.

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Lorsqu’elle rouvrit les yeux, Helgi n’était plus dans la forêt. Elle était de retour sur la table. Le couteau était suspendu au-dessus d’elle, la pointe effleurant la peau de sa gorge. De lui-même, le couteau monta, de façon à pouvoir la laisser se redresser, et Verdandi le récupéra. Sigurd était là, et à sa façon dont il la regardait, elle comprit qu’elle devait avoir gardé ses nouveaux traits physiques. Mais à peine avait-elle commencé à regarder ses mains et ses bras, qu’elle voyait ses muscles reprendre leur taille habituelle, de même que ses ongles, et ses veines, dont le tracé doré peu à peu s’effaçait de sa peau. Elle se souvint des notes qu’elle avait lues à propos du rituel de l’ascension de Lif. Elle réalisait alors ce qu’elle venait d’accomplir. Elle sentit soudainement ses forces la lâcher, et Sigurd la rattraper.

– J’ai réussi…. Lâcha-t-elle dans un souffle.

– Je ne sais pas trop de quoi tu parles… Tout ce que je sais c’est que tu étais comme endormie pendant deux jours entiers…

– Je sais…. Je t’expliquerai et te raconterai… Répondit-elle, en souriant.

Les trois Soeurs les accompagnèrent alors dans leurs quartiers. Helgi demanda à Sigurd d’aller voir Rùnar à nouveau. Ensemble, ils allèrent à sa chambre, et veillèrent à nouveau sur lui. Helgi montra alors à Sigurd les carnets de notes à Sigurd. Cela eut plus d’impact qu’elle ne pensait. Elle apprit ce soir-là, que Lif, la première Herkkä, était la mère de son ami et la mère de Brynhilde. Elle lui expliqua alors le processus du rituel, son importance, et lui raconta le déroulement de son propre rite de l’Ascension. Elle prit cependant la décision de ne pas évoquer sa dernière rencontre avec le cerf. Elle voulait d’abord s’assurer qu’elle n’avait pas tort de penser qu’il pourrait avoir un lien avec Brynhilde.

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