11. FÖRFLUTNA

LA NUIT VENAIT DE TOMBER quand ils arrivèrent à Varangar, après deux jours de voyage. Helgi présenta le laisser-passer et on les laissa entrer. Mais avant de passer la porte, elle osa demander au garde :

– Où puis-je trouver l’Atreum ?

L’attitude du soldat changea du tout au tout. Il sembla soudain pris de panique :

– Pas si fort !

Il fit signe à ses camarades qu’il n’y avait pas de problème et au trio, il leur ordonna de passer la porte. Après avoir vérifié qu’il n’y avait personne d’autre, il franchit les portes et fit fermer les portes. Les trois jeunes gens descendirent de cheval sur sa demande, et le soldat se mit le plus près possible pour murmurer :

– Pardon, mais c’pas un nom à prononcer comme ça, à la légère. Surtout quand on est armé comme vous et étranger ! On a des ordres ici. Si j’n’étais pas intervenu, vous s’riez déjà morts !

-… Désolée…

Il se calma, poussant un soupir.

– Pour l’Atreum, j’vous conseille d’attendre que la ville dorme. Rejoignez après, le pont près de la falaise. Vous saurez quoi faire là-bas à ce moment-là.

Il s’écarta du groupe et parlant normalement alors que passait des habitants, les regardant sans doute un peu trop curieux :

– Les écuries ? C’est un peu plus loin là-bas sur la droite.

Finalement, Helgi, Sigurd et Rùnar le saluèrent et tenant leur monture par la bride, ils s’y rendirent, laissant les chevaux au bon soin du tenancier des lieux. Helgi lui paya la somme convenue. Ils firent le tour de la ville. Elle était bien différente de ce qu’ils connaissaient. De grandes maisons, parfois sur plusieurs étages, les enseignes indiquant telle ou telle échoppe, le sol pavé, des cordes où étaient suspendues des lanternes éclairées pour la nuit, la Halle majestueuse en plein centre… Tout était nouveau pour eux, surtout Helgi. A certains égards, pour Sigurd et Rùnar, cela leur rappelait par endroit des aspects de Lysende. 

Ils repérèrent l’auberge. Ils hésitèrent un moment avant d’y entrer. S’ils devaient attendre que la ville s’endorme autant attendre au chaud, avec un bon repas, et profiter des chants des skálds de passage dans la ville. Les chants parlaient pour beaucoup des évènements majeurs d’il y a dix ans, mettant en scène différents grands guerriers. Un nom revenait souvent cependant, celui de Baleygr. Au fond d’elle, Helgi espérait un jour pouvoir le revoir. Elle espérait que si sa destinée était de parcourir les routes jusqu’à libérer Halvard du Chaos, au moins à un moment sa route croiserait celle de son père.

Car il lui manquait. Il lui avait toujours donné de la force pour avancer. Pour l’instant, à part l’attaque chez Hyndllah, elle n’avait pas eu besoin de combattre. Mais si elle pensait à son pouvoir, elle se sentait si inexpérimentée… Et d’un coup, l’idée qu’elle était destinée à sauver Halvard pesait lourdement sur ses épaules. N’était-ce pas trop pour une seule personne ? Les sourires et les rires des gens autour d’elle, frappant dans leurs mains en rythme avec la musique du skáld dansant au milieu des tables renforçaient la sensation que la vie de tous ces gens, bien qu’étant dans l’ignorance, était sous sa responsabilité. A elle seule. Et si j’échoue ? Si je me perds comme Brynhilde ? Elle fut saisie d’un frisson qui la fit sortir pleinement de ses pensées. Elle but d’une traite le reste de sa chope et héla la serveuse pour en reprendre une autre.

Ils profitèrent de la soirée, dansant, mangeant et buvant, jusqu’à la fermeture de l’auberge. Helgi paya, vidant pratiquement toutes ses économies, et puis ils sortirent après les autres clients. La nuit était bien avancée. Et bientôt, ils virent les lumières des maisons s’éteindre les unes après les autres. Les rues devinrent calmes. On y entendait plus que le son de vent et au loin le tumulte de l’océan.

Ils n’attendirent plus longtemps et se mirent à la recherche du pont que leur avait mentionné le garde à leur arrivée. Ils se perdirent un moment dans le dédale des rues avant de passer un portail donnant sur la falaise. Ils s’approchèrent du bord puis longèrent la falaise. Ils finirent alors par le trouver. Ou était-ce le pont qui les avait trouvés ? Ils se regardèrent, hésitants. Le pont leur était apparu comme un mirage et cela les rendit assez méfiant. Helgi posa un pied dessus. A son contact, le pont sembla confirmer sa réalité, dévoilant à son extrémité la Citadelle de Lodd, majestueuse, sa pierre blanche prenant des tonalités bleutées sous la lumière lunaire. Le spectacle laissa la jeune fille sans voix. Elle s’élança alors sur le pont, suivie par les garçons. Ensemble ils atteignirent la double porte qui s’ouvrit sur la cour où se trouvait la statue des trois Sœurs. Au fond d’eux, ils se sentaient… Attendus. Ils observaient autour d’eux, jusqu’à ce que Urd apparaisse à l’est de la cour.

– Vous voilà donc arrivés.

Verdandi apparut au nord.

– Nous vous attendions.

Skuld avança par l’ouest, mais silencieuse, sa tête dissimulée sous sa capuche. Helgi cependant sentait son regard sur elle, perçant et pénétrant. Urd apparût subitement juste devant elle et la fit sursauter.

– Jeune fille. Ta quête de réponses s’achève ici. L’Atreum t’y est ouvert.

Sa main squelettique et pâle lui tendit une clé. Helgi la prit et la rangea dans la poche accrochée à sa ceinture. Urd recula, et se plaça face aux trois arrivants, et fut rejointe par ses deux sœurs. Ses mains chacune dans une main d’une de ses sœurs, elle commença :

– Vous avez franchi les portes de la Citadelle du Savoir.

– Des règles sont à respecter, poursuivit Verdandi

– Ou la Citadelle vous en fera payer le prix, termina Skuld.

Et chacune leur tour, elles continuèrent :

– Le Savoir du Passé vous a été ouvert.

– Mais l’accès aux autres vous est fermé.

– L’esprit mortel perdra l’esprit s’il avait la connaissance du Tout.

– La Citadelle vous a offert le toit et le couvert.

– Mais elle garde fermé ce qui doit le rester.

– Vous serez banni, pris pour des fous, et mourrez aveugles et solitaires, aux moindres secrets dévoilés.

Et tels des mirages, elles disparurent.

Tous les trois furent subjugués par l’architecture de la Citadelle. Elle était si onirique, si magique. Ils ne se lassaient pas de lever la tête, et observer chaque détail. La Citadelle semblait dotée de sa propre volonté. Elle leur laissait passer les portes quand il le fallait, monter un escalier, ou traverser un couloir. Une angoisse dévorante et une pression sur leur gorge et leur poitrine, leur indiquait si un couloir, une porte ou un escalier leur était interdit. Ils eurent une chambre chacun, les trois aussi incroyables que le reste de la Citadelle. Helgi n’avait pas pu s’empêcher de voir une forte ressemblance entre le bleu et les différentes broderies de sa tenue, avec les éléments de décors de la Citadelle. Une nouvelle question émergea de cette pensée, tant elle se demandait si un lien quelconque la reliait au lieu. Elle avait rangé la cape et retiré sa ceinture et ses armes, et ses doigts faisait tourner la clé de l’Atreum. Finalement, elle quitta sa chambre et alla chercher Sigurd et Rùnar, leur proposant de l’accompagner jeter un œil à la seule pièce importante du lieu dont ils avaient accès.

Ils traversèrent ainsi à nouveau les couloirs, la Citadelle leur indiquant le chemin et bientôt ils arrivèrent devant une double porte, sur laquelle était représenté de manière figurative les trois Sœurs près d’un puit, occupées à tisser une toile infinie. Helgi quitta l’observation de la gravure et déverrouilla la porte à l’aide de la clé. Elle n’eut pas besoin de pousser les portes, celles-ci s’ouvrirent après le claquement des verrous. Quand ils entrèrent, ils découvrirent une bibliothèque immense, qui s’étendait sur trente-cinq mètres de hauteur, cent-trente mètres de longueur murale, remplis de livres, et le tout recouvrait une bonne cinquantaine de mètres. Au-dessus des étagères murales, reposaient des tribunes, accessibles par d’étroits escaliers en colimaçon. Le plafond voûté laissant apparaître le ciel et la lune, s’accordait à l’ensemble et donnait une forme particulière aux fenêtres, situées si haut qu’elles permettaient de rendre le lieu incroyablement lumineux, malgré l’obscurité.

Ils la traversèrent, se perdant complètement à nouveau dans l’observation et la contemplation des lieux.

– C’est si grand… Admira Helgi.

Urd apparut alors de derrière un pilier :

– Tout ceci n’est que le Savoir du Passé. Mais tous les livres ne vous sont pas autorisés. Cela dit, tout comme la Citadelle, l’Atreum et les livres seront capable de vous le faire sentir. Et quoi qu’il arrive je ne serai jamais bien loin. Il suffira de poser la bonne question…

A nouveau, elle disparut telle un mirage. Helgi se tourna vers les garçons. Ils étaient tout aussi perdus et confus qu’elle. Elle soupira. Aucun d’entre eux ne savaient vraiment par quoi commencer ou ce qu’ils voulaient chercher, alors ils décidèrent de faire le tour chacun de leur côté, pour déjà comprendre le système, ce qu’il s’y trouvait comme livre, afin de peut-être savoir où regarder.

Quelques heures après, ils comprirent que globalement, la bibliothèque était organisée par famille. Les livres étaient plus ou moins épais selon le sujet, s’il s’agissait d’une personne ou d’une série d’évènements par exemple. Ils avaient malgré tout constaté qu’une seule bibliothèque se détachait du reste. Rùnar l’avait trouvée notamment à cause de la tranche d’un livre où se trouvait un arbre qui lui rappelait fortement celui qu’il avait vu à la Tour des Mages. Alors ils commencèrent par là.

Helgi parcourut les titres des livres. Un sujet se dégageait. La création du monde et ses arcanes. Elle prit le premier livre qui attira son attention. Celui justement avec l’arbre gravé et doré sur la couverture et la tranche. Elle l’ouvrit et le feuilleta, prenant le temps de lire les passages qui attiraient le plus son attention. Le livre décrivait le cosmos, l’Arbre au cœur du tout, sa sève générant la vie et source de la magie, porteur des mondes. Il évoquait le premier Crépuscule des Dieux provoqué par l’assassinat de l’un deux, et la mort du serpent monde. Deux noms lui sautèrent aux yeux. Baleygr et Hyndllah. Helgi se perdit alors dans la lecture la plus précise.

« Le Crépuscule des Dieux s’abattit sur la Terre des Hommes. La Guerre Divine plongea la Terre des Hommes dans une nuit éternelle. Le chocs des combats provoqua des tremblements de terre, fissurant et faisant jaillir le feu du centre de la terre. Les Hommes périrent et le feu de la Guerre Divine brûla leur terre. La région des mortels redevenait alors une page blanche et le serpent monde fut ressuscité. De sa blessure, l’Arbre Originel partagea sa magie en deux sources, l’Equilibre et le Chaos. Certains mortels reçurent le cadeau d’une des sources, les magis.

Le Nouvel Age était fragile, les dieux se dissimulaient parmi les Hommes, et les mortels, imparfaits et ayant oublié l’existence du divin et du sacré, ravageaient la nouvelle région et s’entretuaient à la moindre occasion, pendant des années durant.

Alors, voyant que l’attitude des mortels conduirait à elle seule au prochain Crépuscule, Baleygr décida d’offrir un don particulier. Doutant de la résistance d’une simple mortelle, il décida d’offrir ce don à une femme dont le sang serait issu d’un dieu ou d’une déesse. Il choisit une de ses plus jeunes Valkyries, Lif. Car par essence, une Valkyrie était une de ses créations. C’est ainsi qu’apparut la toute première Herkkä, dont le don prenait sa source dans le Chaos et l’Equilibre, et sa magie reposant sur son empathie et sa capacité à ressentir les émotions des autres et leurs pensées. Le but était de donner une figure tutélaire, capable d’écouter les cœurs des mortels, et de les apaiser. Lif dévoila son don à ses seize ans, et Hyndllah l’avait accompagnée et guidée. Mais la jeune Herkkä était instable, n’arrivant pas à équilibrer les forces de l’Equilibre et du Chaos, ses émotions prenant bien souvent le pas sur ses décisions. Alors Hyndllah lui avait offert un anneau dont la magie lui permettait de mieux cerner ses ressentis et ainsi de mieux naviguer entre l’Equilibre et le Chaos. Bientôt, Lif fut en mesure de nommer les premiers Jarls, et de guider les mortels dans la construction de ce nouveau monde.

Quatre lieux majeurs nacquirent : Asfrid, Lysende, la Citadelle de Lodd à Varangar, et la Tour des Mages à Trolldom, chacune ayant à sa tête une personne digne du rang de Jarl. Lif se maria avec celui de Lysende, Forseti. Asfrid fut dirigé par un frère d’arme ayant formulé le serment de fraternité envers Forseti. A Varangar et à Trolldom se furent deux femmes guerrières qui en obtinrent le rang. Entre les quatre lieux, un serment de non-agression fut formulé. Les Jarls remirent le culte des dieux en place.

Ainsi la paix enfin s’installa en Halvard. Baleygr formula alors que le don serait offert à la prochaine mortelle portant l’héritage divin, tous les demi-siècles. »

Helgi cessa sa lecture, se sentant fatiguée. Elle ferma le livre et le rangea. Elle vit les garçons, endormis sur les tapis, les livres ouverts sur leur poitrine. Elle ramassa leur livre et les rangea. Elle les laissa là, et retourna à sa chambre pour se coucher. Baleygr et Hyndllah… Forseti… Des dieux… Il allait lui falloir du temps pour digérer l’information… Une fois dans son lit, le regard rivé sur le plafond, elle songea à Sigurd et son amnésie… Elle se sentait déjà perturbée par cette lecture, alors elle n’osait pas imaginer l’impact que cela aurait pour Sigurd… Elle se tourna sur le côté, en soupirant et laissa le sommeil l’envahir.

Le lendemain, Helgi retrouva Rùnar et Sigurd dans la salle de réception. Celle-ci était aussi d’une dimension exceptionnelle. La table était dressée et le repas déjà servit. Elle s’installa en silence à côté de Sigurd, face à Rùnar. Elle les regarda l’un après l’autre avant de se servir. Sigurd brisa le silence, devenu un peu trop pesant depuis leur arrivée. 

– Vous croyez qu’elles sont vraiment que trois, ici ?

– Je n’ai croisé qu’elles pour l’instant… Répondit Rùnar, haussant les épaules.

-… C’est immense… Il doit y avoir des gens pour tenir l’endroit en ordre…

– L’endroit est aussi… vivant en un sens. Elles n’ont peut-être justement besoin de personne pour s’en occuper… Je veux dire. L’endroit lui-même nous interdit certains passages. Tenta Helgi.

– Non, ça je pense surtout que c’est dû à leur magie à elles trois. répondit Sigurd.

– La bibliothèque, par contre… J’avoue qu’elle m’intrigue davantage… fit Rùnar. Elle est vraiment étrange… Autant de livres sur des familles…

– Eh bien, d’ailleurs, j’y retourne. Soupira Helgi. Rùnar fronça légèrement les sourcils.

– Tout va bien ?

– Oui, pourquoi ?

– Tu viens à peine d’arriver, tu n’as quasi rien mangé…

Elle réajusta un peu ses vêtements avant de répondre.

– Oh. Non, tout va bien. Vraiment.

Elle lui sourit et quitta la pièce, sentant malgré tout le regard de Rùnar sur sa nuque. Elle lâcha un soupir, une fois bien éloignée. Cela la tuait. La lecture de la veille la travaillait encore. Mais il lui paraissait essentiel de ne rien dire. A eux d’en faire la lecture. Elle retourna à l’Atreum et alla directement vers la bibliothèque de la veille au soir. Elle repassa en revue les titres des livres. Soudain, un des livres tomba. Elle le ramassa pour le ranger à nouveau mais il s’obstina à retomber à ses pieds. Helgi le reprit mais s’attarda sur lui. Ce n’était pas vraiment un livre. Plutôt un carnet de notes. Elle l’ouvrit sur la première page, où elle lut : Lif, Première Herkkä. Helgi chercha alors rapidement un endroit idéal pour lire. Elle monta sur une des tribunes, et s’installa aux pieds d’une des fenêtres par laquelle la lumière du jour passait. Ainsi, elle commença la lecture.

Le carnet de note était assez précis, avec parfois des dessins. Celui de l’anneau en particulier attira l’attention d’Helgi. Il s’agissait de deux serpents, tenant entre leur mâchoire le joyau au centre. Les indications précisaient qu’il s’agissait d’un rubis et que le métal était l’or. Les notes de Lif racontaient comment Hyndllah lui avait donné l’anneau et ce qu’il s’était produit ensuite.

« Hyndllah m’a expliqué que dans neufs jours je devrais lancer le rituel. Car si l’anneau permet de me stabiliser, sans le rituel, je pourrais malgré tout me perdre et il finirait par se briser. Je lui ai demandé en quoi consistait le rituel. Elle m’a alors dit que cela ressemblait au seiðr, que ce serait un voyage sacré, visant à rencontrer le Serpent et à le dompter. »

Helgi fronça légèrement les sourcils. Le seiðr… Elle avait vu ce mot quelque part. Elle se rappela le carnet de la völva et le sortit de la poche de sa ceinture. Elle le feuilleta jusqu’à tomber sur la page. Les notes expliquaient le concept du seiðr et ses différentes utilisations. Mais Helgi s’attarda essentiellement sur celle détaillant le seiðr durant lequel l’âme quittait le corps le temps d’un voyage vers le monde métaphysique. La völva avait listé les outils et tous les éléments nécessaires, mais avait aussi indiqué les objectifs ce rituel-là : la divination et ce qu’elle appelait l’Ascension. Helgi tourna à nouveau les pages du carnet et trouva ce qu’elle cherchait. La völva racontait un rituel de l’Ascension. Le nom de Lif y était cité. La première Herkkä avait raconté son voyage à la völva qui l’avait noté, soigneusement. Si pour Lif son voyage avait duré que quelques heures, en réalité elle était restée « endormie, comme morte » une journée entière. La völva avait décrit la manière dont Lif s’était réveillée :

« Son anneau s’était mis à briller à son doigt. Sur sa peau s’étaient dessinées ses veines, telles des rivières lumineuses. Son corps s’était redressé et par endroit des écailles aux multiples reflets colorés étaient apparues sur sa peau, notamment sur son cou jusqu’aux bord de sa mâchoire. Et lorsque ses yeux s’étaient ouverts, la couleur de leur iris se montra plus vive, et ils brillaient d’une lueur nouvelle. Puis tout ceci disparut, et je retrouvais Lif telle que je la connaissais. »

Parmi les dernières paroles d’Hyndllah, Helgi se rappelait toujours qu’elle devrait suivre le Renard. J’ai eu le collier il y a maintenant six jours… Donc dans trois jours, je devrais sûrement réaliser le rituel ? Comment ? Seule, cela me paraît assez compliqué… Elle soupira. Elle ferma le tout et perdit son regard sur le paysage de l’autre côté de la vitre. Elle entendit du bruit en-dessous.

Quelqu’un s’agaçait puis le silence revint. Elle se redressa et s’approcha de la rambarde de la tribune. Elle aperçut Rùnar, contrarié, assis finalement par terre adossé à un pilier. Elle descendit alors de la tribune, tenant dans ses mains les carnets de notes, et s’approcha de lui doucement. Il l’aperçut du coin de l’œil et soupira, lâchant au passage un rire un peu trop ironique. Helgi ramassa les livres se trouvant près de lui. Elle lut leur titre. Gylfaginnig, Völuspa, Lokasenna… Tout en s’asseyant près de lui, elle les prit sur ses genoux. Ils ne disaient rien, mais elle devinait pourquoi il avait choisi ces livres. Elle finit par tenter de le réconforter :

– Hey…Tu sais… Tu n’es pas comme lui…

– Comment peux-tu le savoir ?

– Tu n’es pas un meurtrier.

Rùnar hocha la tête. Elle le vit ses mâchoires se serrer, le nerf apparaissant légèrement sur sa tempe.

– Quelque part au fond de moi je crois que je l’ai toujours su… Même lorsque les assassins nous ont trouvé et que l’un des deux m’a appelé Fils de Loki. Seulement, l’admettre c’est autre chose.

– Je le redis. Tu n’es pas comme lui… Tu n’es pas comme eux.

Elle sentit une gêne s’installer en elle, alors qu’elle préparait des mots dans sa tête. Ses doigts s’attardaient sur les bords de la couverture d’un des livres. Le cuir était légèrement abimé.

– Je sais que… Je n’aurais pas dû le faire… Quand j’ai lu tes souvenirs et tes pensées… Enfin, ce que je veux dire, c’est que ce n’est pas ta faute. Le véritable responsable, c’est Sigyn. Et je sais qui tu es, Rùnar, et clairement, tu n’es vraiment pas comme eux. Je suis sûre que lorsque Sigurd retrouvera sa mémoire, il s’en rappellera lui aussi. Et on a accès au Savoir du Passé. Peut être que chercher un autre livre que ceux répertoriant les chants et poèmes sur tes parents ne serait pas une si mauvaise idée ?

Elle lui rendit les livres, lui sourit, et lui tapota l’épaule, avant de se lever.

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