DANS SA CHAMBRE, Helgi faisait les cent pas. Après avoir vu les souvenirs de Rùnar, elle s’était mise à former le puzzle dans sa tête.
Helgi fit un premier tour de sa chambre. La guerre à Lysende… Elle avait maintenant la réponse : Sygin était la mère de Rùnar. Forseti, le Jarl de Lysende, était le père de Sigurd et Brynhilde. Forseti avait accueilli Sygin et son fils dans sa Halle, alors qu’ils venaient tout juste d’arriver en Halvard. Sygin, avide de vengeance envers Forseti, s’était rapprochée de lui, et avait même feint de l’aimer. Cependant, elle l’avait affaibli, sous couvert d’une volonté de prendre soin de lui, elle lui avait administré régulièrement le plus lent des poisons, suffisamment pour qu’il en devienne malade. Forseti, s’affaiblissant et ayant une confiance aveugle en Sygin, lui avait cédé une partie du pouvoir, gardant l’autre, et formant Brynhilde à celle-ci. Il avait préparé longuement sa fille ainsi pour le jour où il mourrait. Ainsi, les plans de Sygin purent se mettre en œuvre. Elle fit grossir l’armée. Elle fit creuser un passage sous les montagnes, une percée dans la frontière naturelle séparant les deux régions. Son ambition : conquérir l’Ouest et avoir la main sur Varangar. Les tensions entre les deux régions s’étaient installées. Forseti avait tenté plusieurs fois d’éteindre le feu en envoyant Brynhilde rencontrer les représentants de l’Ouest, mais Sygin parvenait toujours à corrompre l’un d’entre eux, et à nourrir le feu. Et puis un jour, l’un des représentants de l’Ouest perdit son calme et rompit le serment de non-agression, en tentant d’assassiner Sygin, ce qui déclencha la guerre.
Elle entama le deuxième tour. Brynhilde… Elle a un pouvoir particulier, et on la nomme Herkkä. Comme moi… Pendant la guerre, elle a vu le meurtre de son père, tué par son frère, Sigurd. Elle a alors cédé au Chaos. Une tempête s’était levée sur Lysende, Brynhild fut foudroyée et disparut, à sa place est apparue alors Gunnhild, impérieuse, impressionnante, immense. Elle déversa le Chaos sur la région, la transformant en désert, la poussière et le Chaos tuant toute forme de vie sous son passage. Elle détruisit ainsi Lysende et fit naître Forvirring. Le cataclysme que Baleygr m’a raconté… C’était ça. Il m’a parlé de la magie pour cette raison…
Un troisième tour… Rùnar et Sigurd… Rùnar a été manipulé par sa mère. Hypnotisé et possédé, il a poussé Sigurd à tuer Forseti. Lorsque Gunnhild est apparue, pendant un temps Rùnar a été sous son contrôle, lui apprenant les sortilèges interdits de la nécromancie permettant de ramener les morts à la vie, et l’aidant ainsi à lever une armée de draugr. Mais bientôt elle n’eut plus besoin de lui et se débarrassa de lui, le laissant pour mort au milieu du désert mortel qu’est devenu la région de Forvirring. Elle a gardé prisonnier Sigurd, le gardant inconscient le temps de savoir quoi faire de lui, planifiant minutieusement sa vengeance. Rùnar s’était réveillé plus tard, en partie libéré de sa possession, parvint à récupérer Sigurd et à quitter la région, passant la frontière et atteignant la Tour des Mages.
Un quatrième tour. Le mal de Rùnar… On l’avait envoyé voir Hyndllah. D’un coup, elle s’arrêta. Elle venait de comprendre. Il n’est pas totalement libéré… Elle reprit son tour. Hyndllah lui avait expliqué par rapport à son propre pouvoir, celle d’une Herkkä… Brynhilde et moi… Si on ne fait pas attention, on peut se perdre dans le Chaos ou l’Equilibre, mais dans les deux cas c’est mauvais… Brynhilde en cédant au Chaos a disparu… Et a détruit toute une région… Mais mon pouvoir est particulier… Les Kuolettava pour eux la source… C’est le Chaos ?… Elle sortit brutalement de sa chambre pour se précipiter dans celle de Baleygr. Elle n’avait pas du tout fait attention qu’elle venait sans doute de capter l’attention de Sigurd et de Rùnar. Son esprit et ses pensées étaient entièrement dédiée à former le puzzle qu’elle commençait enfin à pouvoir former. Elle fouilla la chambre, quitte à mettre les affaires sens dessus dessous, jusqu’à ce qu’elle le trouve. Le Halvardasaga. Elle l’ouvrit, et tourna les pages rapidement. Elle trouva alors ce qu’elle cherchait. Kuolettava… Magie du Chaos… Donc si ce que j’ai vu est clair… Alors cela veut dire… Ses yeux s’agrandirent.
Ses pensées défilaient rapidement dans sa tête. Sa respiration devint hiératique. Les mots de la völva lui revinrent un par un alors que doucement Helgi sentait venir le vertige. « Gardien des Secrets, Porteur de Victoire, ne perdez pas espoir, vos pas vous ont conduit ici, vous guidant vers la Valkyrie. Elle vous aidera, vous guérira, mais sa victoire dépend de vous…» Rùnar, Sigurd et… moi ? … Pourquoi m’appeler Valkyrie ?… « Le Chaos grandit à l’Est, animé par la vengeance et la colère, se nourrissant de la culpabilité et du passé… » C’est ça ! Gunnhild s’en prend à Rùnar ! … « Valkyrie, suis le Renard, écoute-le, et dompte-le. Alors, tu sauras trouver la sœur disparue et le Chaos sera vaincu. » Suivre le Renard et le domptez ?… Ses doigts tripotèrent son collier… Mon pouvoir… La sœur disparue ?… Brynhilde ?… Soudain, ses yeux s’écarquillèrent. Elle vacilla et dû se rattraper à la bibliothèque sur sa droite.
※
LORSQUE SIGURD RENTRA, il trouva Rùnar encore agité. Son ami avait d’ailleurs légèrement sursauté alors que sa main s’était simplement posée sur son épaule. Il s’était détendu immédiatement lorsque ses yeux s’était posé sur lui.
– Que s’est-il passé ? Où est Helgi ?
Rùnar poussa un soupir, sa main passant sur son visage.
– Elle sait tout. Absolument tout.
– Quoi ? Tu lui as tout dit ?!
– Non. Je n’ai pas eu besoin de le faire. Elle a tout vu… Là. Répondit Rùnar, posant son index sur le front de Sigurd.
Ce dernier ne savait plus quoi penser. Cela allait bien au-delà de ce que Brynhilde lui avait dévoilé par rapport à ses capacités.
Helgi entra à cet instant précis dans la pièce principale. Elle tremblait légèrement, ainsi que sa voix :
– Vous aviez compris ?
Les deux garçons la dévisageaient sans trop saisir ce qu’elle voulait leur dire. Sigurd haussa un sourcil :
– Compris quoi ?
– Ce qu’a dit Hyndllah avant de mourir…
Ils se regardèrent, et Sigurd répondit, confus :
– Peut-être pas tout…
Helgi se perdit à nouveau dans sa réflexion, son esprit relançant la boucle des enchaînements. Elle voulut rejoindre une chaise. Elle tituba et manqua de tomber. Sigurd la rattrapa et l’interrompit dans sa boucle de pensées :
– Helgi, calme-toi…
Il la prit par les épaules et l’aida à reprendre une respiration normale. Il lui demanda :
– Qu’as-tu compris ?
Helgi glissa son regard sur Rùnar. Elle le vit inquiet. Comme s’il avait envisagé le pire. Comme s’il lui priait de ne pas tout expliquer. Il avait tout compris aussi. Elle le lisait dans son regard. Elle devinait que Sigurd avait retrouvé une partie de sa mémoire, mais que cela ferait bien trop d’un coup pour lui. Alors, le regard toujours rivé sur Rùnar elle se contenta de dire :
– … Je sais pourquoi on doit aller à Varangar… A l’Atreum.
※
LA NUIT TOMBA SUR VARANGAR. Les rues se vidèrent, les habitants se réunissant dans la Halle, pour profiter d’une nuit festive. La Halle se trouvait au cœur de la ville, impressionnante par sa taille, et sa hauteur, son toit orné de chevaux, surplombant les habitations, les montants des portes gravés de représentation du Jörmungandr, et ses couleurs bleues et pourpres encore bien vives. La mer frappait la falaise, son écho résonnant dans les rues, en rythme presque avec la musique, les rires et cris de joies emplissant la Halle. Cette nuit, on célébrait Rán, qui avait permis aux marins de rentrer les filets bien remplis. L’insouciance le temps d’une nuit prenait les habitants. Dehors, la ville se refermait, des soldats prenaient leur poste sur le mur d’enceinte. La paix et l’ivresse comblait la Halle, tandis que les rues s’assombrissaient sous la menace. Car il y avait plus impressionnant encore que la Halle. Varangar était connue pour son port, son commerce de poisson et autres trésors des mers. Mais elle était connue pour un autre trésor. Un trésor que le Jarl d’Asfrid ne pouvait pas se permettre de laisser sans surveillance, alors qu’à l’Est la tempête s’était mis à gronder à nouveau.
Alors que Varangar se fermait du monde, un cavalier passa les portes de la cité, avant que celles-ci ne se ferment définitivement. Les sabots de son cheval claquaient doucement sur les pavés, tandis qu’il traversait le dédale des rues silencieuses. Il s’arrêta au bord de la falaise, contre laquelle l’océan se déchaînait, dans un combat perpétuel. Le cavalier, encapuchonné dans une lourde cape bleu nuit, sur laquelle semblait s’être à jamais reflété le ciel étoilé, descendit de cheval et découvrit sa tête, la capuche dévoilant une jeune femme. Sa longue chevelure blanche se mit à danser légèrement sous la brise marine, la lumière de la lune la rendant scintillante. Son visage était très jeune, aux traits parfaits et fins. Ses yeux aussi bleu et profond que le ciel de cette nuit. Elle retira ses gants, dévoilant de petites et fines mains. De ses doigts agiles, elle dévoila petit à petit, devant elle, un pont.
De l’autre côté du pont, accroché à la falaise, se dressait la Citadelle de Lodd, majestueuse architecture, dont le socle rocheux résistait au tumulte et à la colère de l’océan depuis sa création. Il y avait dans sa structure quelque chose d’onirique, hors du temps, beaucoup trop sacrée pour que quiconque ne la tienne pas en respect. Passer le pont n’était pas aussi simple que cela semblait l’être. Il n’apparaissait que selon le bon vouloir des Sœurs. Et parfois, elle le laissait à la vue de tous et le faisait disparaître sous les pieds des simples d’esprits et des curieux. Car une fois sur le Pont, la Citadelle nourrissait une faim et une soif de connaissance sur ce qui a été, ce qui est, et ce qui sera, si celui qui le foule n’y avait pas été invité.
Sûre et certaine d’avoir terminé, elle remonta à cheval et le fit traverser. Seules, les lourdes portes de la Citadelle s’ouvrirent. Elle fit ralentir sa monture au milieu d’une cour, au milieu de laquelle se trouvait une statue représentant trois sœurs, l’une jeune lui ressemblant énormément, une deuxième arborant la ramure d’un cerf, le visage à moitié dissimulé par un voile, à l’air plus âgé qu’elle, et une troisième beaucoup plus vieille, entièrement dissimulée sous un voile, tenant entre ses mains le crâne parfait d’un cervidé, couronné de sa ramure. La jeune femme laissa sa monture, et traversa la cour, franchissant une double porte qui s’était à nouveau ouverte de son plein gré devant elle, entrant alors au sein de la Citadelle. A l’intérieur, l’architecture extraordinaire se dévoilait, à mesure qu’elle traversait le dédale de couloirs. Un plafond arc-bouté, situé à trente-cinq mètres de hauteur, laissant apparaître le ciel, parfaitement clair, orné d’étoiles.
La pierre blanche réfléchissait la lumière lunaire, donnant à l’ensemble une ambiance bleue tamisée rassurante. Des colonnades savamment sculptées. Des ouvertures vitrées, sur lesquelles figuraient de nombreuses représentations, la lumière jouant avec leurs couleurs. Les sols recouverts de tapis de velours bleu amortissaient le son de ses pas. La jeune femme monta un escalier, en haut duquel, cette fois, la porte se dressait solidement fermée. Elle s’approcha, et posa sa main sur le bois de la porte. Elle murmura doucement, un cliquetis se fit entendre et elle put se faufiler de l’autre côté.
La pièce recouvrait bien une cinquantaine de mètres. En son centre se trouvait un puit, immense par son diamètre. Au-dessus, le plafond laissait apparaître la pleine lune. Celle-ci se reflétait parfaitement dans le miroir d’eau du puits. La jeune femme s’avança. Ses sœurs arrivèrent à leur tour et chacune prit sa place devant le puit.
– Verdandi, Urd… salua la jeune femme.
– Skuld. Nous t’attendions… parla Verdandi, tournant son visage à moitié caché, ne laissant voir que son sourire. Elle était vêtue d’une longue tunique blanche, brodée, cintrée par une ceinture de cuir.
– Tu es partie trop longtemps. Le temps a fait son œuvre, le Chaos a grandi. Lança la plus âgée, d’un ton presque autoritaire, sous son voile noir. Elle portait une longue tunique noire, ample, cintrée à sa taille. Seule ses mains laissaient deviner sa corpulence frêle presque squelettique.
Skuld se déplaça un peu.
– Je sais. La ponctualité n’est pas mon fort… fit-elle.
– Elle est en chemin. L’interrompit Urd.
Skuld s’arrêta. Verdandi reprit la parole :
– Elle a bien grandi. Elle a aussi tes yeux…
Skuld sentait un poids s’installer en son sein. Sa gorge se serrait doucement. Elle secoua la tête.
– Je ne peux pas…
– Observe. Ordonna la plus vielle des trois.
Et tandis que Skuld se tourna pour regarder dans l’eau, Urd tendit la main au-dessus du puit et un nuage de fumée se forma dans l’eau, tandis qu’elle agitait doucement ses doigts. Dans le brouillard, des scènes s’y dessinèrent. Urd brisa le silence à nouveau :
– L’Arbre se meurt. Le puits s’affaiblit. La Source diminue à mesure que le Chaos à l’Est grandit. Verdandi et moi ne pouvons abandonner la surveillance ni la protection du puits et de la Source. Telle est notre place. Skuld, ton rôle est de nous protéger de l’extérieur. L’arrivée de ta fille conduit à l’enchaînement des événements. Et je n’ai pas besoin de t’expliquer ce qu’il pourra bien se passer si ta fille est livrée à elle-même.
Verdandi s’approcha de Skuld et enserra doucement son bras, la tirant contre elle. Elle agita ses doigts au-dessus de l’eau. Le nuage changea et laissa apparaître un visage presque enfantin, aux yeux bleu océan, la peau blanche contrastant avec la chevelure noir corbeau. Skuld observa un moment ce visage. L’émotion la saisissait tout entière. Elle finit par fermer les yeux et détourner la tête.
– Donnez-leur accès à l’Atreum…
– C’est ce qui est prévu.
– Uniquement l’Atreum. Insista Skuld. Et dans l’Atreum, uniquement la bibliothèque de Urd. C’est déjà beaucoup trop de savoirs pour des mortels.
Urd allait argumenter, mais Skuld se montra autoritaire :
– Nos Savoirs sont dangereux. Nous sommes les seules à en supporter le poids de la connaissance. C’est bien pour cela qu’il nous est interdit d’en donner l’accès. Rien que de les laisser lire les Savoirs du Passé, est un enfreint à nos lois fondamentales. Il n’y a pas à discuter…
Elle s’écarta de Verdandi et quitta la pièce.
※
ILS PASSERENT LA NUIT CHEZ HELGI. Mais aucun d’eux ne parvenait réellement à fermer l’oeil. Rùnar pensait à Helgi entrant dans sa tête, il pensait aussi aux paroles d’Hyndllah, et à tout ce qu’il avait compris. Sigurd se demandait à quoi ressemblait l’Atreum, comment serait Varangar, il se demandait aussi ce qu’il avait pu manquer dans ce que leur avait dit la völva. Et Helgi ne parvenait pas à faire baisser l’anxiété qui s’était installée, elle repensait au puzzle des événements qu’elle avait commencé à réaliser. Il manquait des pièces… Mais elle commençait à en voir le cheminement. Au bout d’un moment, le feu s’éteignît dans la maison, le silence s’installa, et le sommeil parvint à les atteindre tous les trois. Dehors, le village se transforma. Des soldats prirent leur place et s’installèrent, une torche à la main, gardant les voies d’entrées et de sorties.
Au lever du soleil, la pluie avait cessé. Les rayons solaires réveillèrent les trois jeunes gens. Ils se préparèrent tranquillement à leur nouveau voyage, vers le Nord. Rùnar et Sigurd reprirent leurs vêtements et rendirent ceux qu’Helgi leur avait prêté, après avoir pris le temps d’un bon bain. En cherchant de quoi s’habiller, Helgi trouva une tenue bleu nuit complète. La tunique aux manches longues et les bas arboraient une belle broderie de cinq centimètres de large, dorée et argentée sur le bord du col rond, des manches et des jambes. La broderie semblait raconter une histoire, mais Helgi n’avait réussi qu’à déterminer la présence d’une Valkyrie. La cape qui allait avec avait le haut du dos et les épaules renforcées par des pièces d’armures argentées, telles des plumes d’oiseau, la chaîne tombant sur le devant maintenant les deux pans ensemble. Helgi remarqua que le tissu intérieur était un peu plus sombre et du fil d’argent avait été utilisé pour reproduire le ciel des constellations et des astres. Elle ne sut pas trop pourquoi Baleygr lui avait caché cet ensemble. Mais elle le trouvait si beau, qu’elle décida de le porter. Sur la tunique, elle avait remis son plastron en cuir, et sur ses avant-bras, ses brassières. A sa taille elle avait serré sa ceinture où elle y avait glissé ses armes, et elle avait remis ses bottes.
Les trois amis se retrouvèrent dans la pièce principale de la maison. En voyant Helgi, Rùnar et Sigurd ne surent pas quoi dire. C’était comme si la tenue avait toujours été faite pour elle. Helgi se sentit rougir. Elle s’éclaircit la gorge et les aida à préparer les sacs de nourriture. Restait à présent à trouver des armes pour Sigurd et Rùnar. Une idée lui traversa l’esprit.
– Mon père va sans doute me détester mais… Tant pis.
Elle leur fit signe de la suivre et elle les conduisit là où se trouvait leurs chevaux à l’extérieur. Elle s’agenouilla à un angle, et écarta le foin sur lesol, laissant apparaître une trappe. Elle attrapa la lourde poignée et la souleva. Elle y plongea les bras et en sortit un drap enroulé. Elle ferma la trappe et surveillant que personne d’autres que Sigurd et Rùnar ne regardait, elle déroula le drap. Il s’y trouvait là, un arc et ses flèches, trois glaives et des dagues soigneusement rangés dans leur fourreau.
– Prenez ce qui vous convient le mieux.
Sigurd s’agenouilla devant et observa les armes blanches. Il fronça légèrement les sourcils et prenant un glaive, il le tira légèrement, observant le métal de la lame et le travail réalisé sur le pommeau.
– Où avez-vous eu ça ?
– Je ne sais pas répondit Helgi en haussant les épaules. Il est revenu de la guerre avec… Et il en a pris régulièrement soin… Pourquoi ? Tu sais à qui cela appartient ?
– Cela vient de Lysende. C’est de chez nous…
Helgi commença à saisir pourquoi Sigurd en avait été troublé.
– Raison de plus alors pour que vous vous en serviez tous les deux…
Sigurd récupéra un des glaives et les dagues. Rùnar se saisit de l’arc, des flèches et d’un des glaives restants. Après quoi, Helgi remballa le tout et le rangea sous la trappe. Ensemble, ils la cachèrent à nouveau sous le foin.
Et sur les coups de midi, ils harnachèrent les chevaux, les détachèrent et se dirigèrent vers la sortie du village. Un garde les arrêta leur demandant leur direction. Helgi lui répondit sans mentir et le garde leur expliqua la situation, la région se préparant à nouveau à la guerre mais cette fois-ci, ici et non à l’Est, comme la dernière fois.
– Pour Varangar, il va vous falloir un laisser-passer, sinon ils ne vous laisseront pas entrer. Et vu votre atirail…
– Comment obtenir un laisser-passer ?
Le garde leur désigna le poste de garde.
– Voyez directement avec le chef. Cependant, il va vous falloir une bonne raison d’y aller…
– Quel genre de raison ?
– Faire du commerce, rejoindre un proche parent ou pour un décès, ou alors rejoindre nos rangs. Au chef, il va falloir expliquer les armes aussi… C’n’est pas commun des gens armés ici, à Osmund, si vous voyez c’que j’veux dire…
Helgi hocha la tête et accompagnée de Rùnar et de Sigurd, laissant les montures, elle se rendit au poste et demanda à voir le chef pour obtenir un laisser-passer. Le poste de garde était un peu plus grand que la plupart des bâtiments, mais aussi un peu plus miteux. Le chef les reçu tous les trois dans une pièce simplement occupée par une table, des chaises, des coffres et des étagères remplies de documents, de plumes et d’encrier. Il s’assit du côté de la table où ne se trouvait qu’un seul siège. Bien qu’il invitât les trois jeunes gens à s’assoir, ces derniers restèrent debout. Il les jugea alors des pieds à la tête, un par un. Son visage et son attitude témoignait de son expérience et de son autorité. Et il était prêt à user de cette autorité naturelle sur ce qu’il considérait être une bande de gamin.
– Où avez-vous trouvé tout ça ? Ça appartient à qui exactement ?
– Tout est à moi et mon père. Répondit Helgi sans hésitation. Le soldat la toisa du regard.
– Ton nom, jeune fille.
– Helgi.
– Et ton père, Helgi. Il sait que tu as subtilisé son armurie ?
– Oui. C’est Baleygr.
Le visage du soldat prit un air plus que sérieux. Son regard plongeant dans celui d’Helgi :
– C’pas bon de mentir, jeune fille…
– Je ne mens pas. Mon père, c’est Baleygr.
Il serra les dents et semblait légèrement embarrassé. Il s’éclaircit la gorge.
– Tu vas faire quoi à Varangar exactement ?
– Le retrouver. Un membre de notre famille est décédé. Et les armes, vos gardes nous ont bien fait comprendre que la situation avait changé, alors… Je suppose que ça ne devrait pas poser de problème ?
Il attrapa un parchemin, se saisit d’une plume et commença à écrire. Il jeta un regard vers les deux garçons, restés silencieux.
– Eux ?
– Des amis de la famille. Ils m’accompagnent.
Il lui tendit le parchemin enroulé soigneusement.
– Si vous voyiez vraiment votre père. Dites-lui que le Jarl l’attend.
Elle fronça légèrement les sourcils mais hocha la tête.
Ils quittèrent alors le poste, retrouvèrent leur monture et se mirent en route.
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